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                    AURELIA

 

 

       La première fois, je n’ai entendu que le son de ta voix. Une petite voix qui ne cessait d’appeler sa mère. Je venais d’arriver dans cette région et je ne connaissais personne. J’étais Amateur-Radio et je cherchais à retrouver mes anciens amis sur les fréquences radio. Ce jour là tu étais la seule que j’entendais. Ta mère était équipée radio dans sa voiture mais aussi chez vous. A force de t’entendre l’appeler je me suis manifesté et je t’ai demandé qui tu étais. Ta réponse fut un silence la première fois. Puis tu m’as demandé qui j’étais. Une vraie petite peste et pourtant tu n’avais que 8 ans. Ensuite j’ai reconnu la voix de ta mère au loin. Je l’ai appelée et lui ai dit : ce n’est pas bien de laisser ses enfants tous seuls à la maison. En fait le but, c’était de faire connaissance avec vous, car je savais que nous étions voisins.

 

       Par le moyen de la CB j’avais fait connaissance également avec Guillaume et Stéphane. Puis d’Emilie et Ludivine. Bizarrement Emilie et Ludivine faisaient partie de ta famille. Les hasards de la vie, comme on dit. Guillaume était très curieux. Il a voulu savoir ou j’habitais. Nous avons fait connaissance. Ce jour là, il était avec son frère Stéphane. La plus part du temps dans les campagnes tout le monde se connait. Du coup Guillaume et Stéphane nous ont présenté Emilie et Ludivine, puis ce fut le tour de tes parents. La première rencontre s’est faite chez toi Aurélia.

 

       J’ai vu à quoi ressemblait la petite peste que j’avais eue sur les ondes. Ce jour là elle se cachait. Elle était toute timide. Toujours collée à sa mère. Vivace comme une petite souris. J’ai découvert une gamine toute menue et frêle, mais pleine de vie. Plus tard on m’a expliqué que lorsque tu étais petite tu avais été opérée du cœur : La maladie des enfants bleus. Je me disais : elle a bien récupéré et elle dévore la vie à pleines dents.

 

       Les années ont passées et je me suis lié d’amitié avec tes parents. Je t’ai vue grandir tout au long de ces années. Tu étais différente et c’est cela qui me plaisait en toi. Une vraie teigne alors je t’ai surnommée  « la teigne ». Tu es toujours restée frêle et menue. Ton père t’appelait : « cuisse de mouche ». En toi il y avait autre chose que j’ai du mal à définir. Tu me faisais penser à une fée. Même dans ta façon de t’habiller ou de te pomponner tu me faisais penser aux fées. Quand je t’ai créé un pseudo pour internet c’était : « la fée Aurélia ».

 

       Un jour, avec ma femme, nous somme allés aux Stes Maries de la mer. Nous t’y avons emmenée. C’était ton premier grand voyage. Tu te faisais toute petite, surement par timidité. Je sais que tu as été heureuse de découvrir cette fête gigantesque là-bas, avec ces gitans. Tu rayonnais parmi eux. Tu te sentais bien chez eux. Tu faisais tout pour leur ressembler. Je me rappellerais toujours ce nœud bleu qu’on t’avait acheté pour mettre dans tes cheveux. Un nœud qui faisait de toi une vraie fée.

 

       Puis ta santé s’est dégradée. Ton corps a grandi mais pas ton cœur. Bizarrement tu connaissais l’amour et la vie fuyait en toi. Souvent je me disais : elle préfère ignorer son problème qui ruine son corps et bouffe la vie à pleine dents. Cela me faisait plaisir de te voir heureuse et pourtant je m’inquiétais pour toi. Avec mon coté médium, je savais………… mais, comme toi je refusais le problème. Les médecins parlaient de te faire une greffe cœur-poumons. Honnêtement je n’y ai jamais cru. Je me demande aujourd’hui si toi tu y as cru. Je sais que tu avais peur. Cela j’en suis certain. Tu étais sûrement la seule qui savait tout : les risques et les conséquences. Dans ces cas là souvent on préfère ne pas savoir et laisser venir. A trois reprises j’ai voulu te parler seul à seul. Je savais au fond de moi que l’échéance arrivait. Je voulais que tu te sentes pas seule ce jour là. Un peu comme si on aurait fait ce combat tous les deux. Je voulais faire la même chose que j’avais faite avec Josiane pour toi. Je refuse toujours de mettre en pratique les dons que j’ai en moi, mais pour toi je l’aurais fait. Voyant le temps passer et surtout sentant l’échéance arriver, je me suis relié à toi. En aucun cas je ne pouvais le dire ouvertement à ta mère. Comment aurais je pu dire à ta mère que ta fin était proche ou que je sentais arriver un malheur. La seule chose que j’ai pu faire a été de me relier à toi, sans rien dire, à personne.

 

       Le samedi, ta sœur a appelé le SAMU. Tu étais devenue toute bleue. On t’a conduit dans un hôpital que je déteste. Puis on t’a placée en réanimation. On devait te conduire pour des examens, le lundi suivant, à l’hôpital ou on te soignait d’habitude. Le dimanche soir j’ai demandé des nouvelles à ta sœur. Elle m’a dit que tu allais très bien. Je n’ai pas compris ni admis sa façon de plaisanter à ton sujet. Ta sœur n’a pas compris non plus ma façon de lui parler. Je sentais quelque chose arriver et je ne pouvais rien dire. C’est pire que tout, d’être obligé de se taire. La colère est montée en moi et j’ai préféré le silence. Dans ces cas là on préfère relativiser et fermer sa bouche. J’avais décidé ce soir là, d’avoir une conversation sérieuse avec ta mère dès le lundi ou le mardi.

 

       Le lundi matin je me suis réveillé à 6h30 du matin. Très mal dans ma peau. Je m’étais couché vers 4h du matin. Impossible de pouvoir me rendormir. J’avais un mal être terrible. Vers 8h le téléphone sonne. Ta mère en pleurs me dit : Aurélia c’est fini, elle est partie à 6h30. Un mélange de rage et de colère m’a envahi. Il y a eu un silence, puis j’ai dit à ta mère : je n’ai rien à dire. J’ai raccroché le téléphone dans une rage folle. C’était la deuxième fois que j’avais ce genre de réaction en apprenant un décès. La première fois c’était mon ami Jean-Pierre quand il s’est tué en moto. Dans les deux cas vous étiez des jeunes avec toute la vie devant vous. De voir partir des jeunes est une chose que je n’admets pas. Tu venais d’avoir 18 ans. Je dis souvent : le jour de notre naissance on est condamnés à mourir un jour. Enterrer ses parents est logique. Mais enterrer ses enfants ou sa petite voisine est illogique.

 

       En apprenant la nouvelle la première chose que je me suis demandé est la suivante : pourquoi est elle venue sur terre ? Elle était si mignonne et si gentille. Pourquoi elle ? Tu n’es pas la seule dans ce cas là, mais ça n’enlève pas ma rage qui étouffe ma tristesse. Tu as eue un bel enterrement : ça personne ne pourra le nier. Il y avait un monde fou. L’église était trop petite.  Maigre consolation même si on peut dire que tu as eu une certaine justice de ce coté là. Je suis resté dehors pendant la messe car les gens se bousculaient pour avoir une place dans l’église. Les messes, les rituels ou les trucs de ce genre ne sont pas ma tasse de thé. Pourtant, pour toi,  j’aurais aimé être dans cette église pour t’accompagner dans ce dernier voyage.  Je suis resté dehors. J’avais l’impression d’être le gardien de ta tranquillité et de ta sérénité, ainsi que des gens qui étaient dans cette église.

 

       La première chose, que j’ai demandée à ta famille, était de pouvoir te donner ma croix pour te protéger, dans ton dernier voyage. J’avais acheté cette croix aux Stes maries. J’avais trempée cette croix dans le bénitier de cette église, dans le but d’y associer ce qui me lie à ce lieu. Qui mieux que les Saintes Mères pourraient te protéger pour ce long voyage. Quand je t’ai vue sur ton lit de mort à l’hôpital, j’ai eu l’impression d’un vide total en moi. Je n’ai jamais pu te mettre cette croix à ton cou. Je voulais qu’elle te protège sur le chemin que tu fais en ce moment pour rejoindre les autres fées la haut. Je sais et je suis convaincu que ton avenir sera d’être une fée avec des ailes de papillon. En ce moment tu es chrysalide. Pour nous, tu seras la plus belle de toutes les fées. Sur terre tu l’étais déjà.

 

       Entre toi et moi il y avait une certaine complicité dans les bisous. Je te disais souvent : Hé la teigne ! Tu as oublié mon bisou ! Cette fois tu es partie sans me faire un bisou…….. Je te donne rendez vous là-haut. Ce jour là, c’est moi qui t’en ferai un énorme, pour te remercier, de nous avoir donné tant de joie dans tes sourires ou ta façon de râler sans arrêt. Une vraie teigne quoi !  Surtout ne change jamais. Reste telle que tu étais sur terre avec nous.

                  

 

Vole petite fée Aurélia. Ne te retourne pas. Vas vers cet ailleurs qui je l’espère sera fait de justice et de bonté. N’ai pas peur de te brûler les ailes à la lumière.

 

                                     

 

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