A ce moment là j’ai bien réfléchi et je me suis dit que je n’étais pas un héros. Certes  je suis antimilitariste mais je n’étais pas allé là bas pour me faire tuer dans un pays que je ne connaissais même pas. Donc nous sommes rentrés. Et parce que nous sommes rentré rapidement, on a pu se faire payer pour notre travail. Pour la première fois, j’ai eu le plaisir de clouer le bec à un banquier …mon rêve depuis toujours ! 

 En 1981, je suis parti au Maroc pour une société de renommée mondiale. Je suis parti avec toute mon équipe. Nous étions 10 et là bas nous nous sommes retrouvés à 23, plus 50 intérimaires et 200 marocains. Je peux dire que dès mon arrivée ma vie a complètement basculée. D’entrée j’ai dû me faire opérer d’un abcès mal placé que j’avais récupéré sur la route dans un hôtel, suite à une piqûre par une de ces sales bêtes. Pendant 3 mois j’ai dû me faire faire une piqûre de pénicilline tous les jours. Dès qu’on stoppait le traitement c’était la catastrophe. Aucune coordination et aucune assistance de la part de cette Société. L’échec total ! Et pour finir une facture impayée de 50 millions de centimes... J’ai payé mes gars car je trouvais cela normal, mais pour finir il ne me restait plus rien. J’ai été contraint et forcé de déposer le bilan de l’entreprise. Encore ce destin ! Une fois de plus j'étais arrivé tout en haut et je me retrouvais au fond du gouffre.

Un an plus tard j’ai rencontré le Directeur de la Société pour laquelle j’étais parti deux fois en Arabie. Il m’a demandé ce que je devenais et je lui ai expliqué ma mésaventure du Maroc ainsi que toutes les conséquences que cela avait pu avoir. Patrick était avec moi ce jour là. Il avait entendu ce Directeur qui me proposait de refaire une société et qui s’engageait à me donner du travail. J’étais en plein dépôt de bilan pour mon entreprise et il n’était pas question de m’investir dans une telle situation.  

Mais tout cela n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Patrick s’est empressé d’en parler à mes gars qui étaient encore au chômage. Le lendemain j’ai vu débarquer quelques uns de ces gars qui me demandaient de faire quelque chose. La mode étant à l’auto gestion des entreprises. J’en ai rapidement parlé à mon avocate. Elle m’a de suite mis en garde contre ce genre de projet. Mais moi je pensais aux gars qui s’étaient bien défoncés pour moi à l’époque où ils étaient mes ouvriers. Il aurait été anormal de les laisser dans la merde ce jour là. Mon avocate a accepté de créer cette Société. Elle m’a prévenue qu’en aucun cas je ne devais apparaître quelque part et encore moins signer quoi que ce soit. Pour faciliter les papiers et les formalités, la femme de Patrick s’est mise gérante de la Société et Josiane son associée. Erreur monumentale ! Aucune entreprise ne peut fonctionner sans patron.

Dès le départ, ils se sont bouffés entre eux et même la gérante s’y est crue. J’ai assisté à l’enterrement de cette Société sans pouvoir dire un mot. Je suis resté le dernier à travailler avec ce brave Jacquot sans pouvoir rien faire. Je venais de liquider mon entreprise et quand la Société a été dissoute, on m’a reproché de n’avoir rien fait pour la sauver. C’est ce qui était écrit dans le livre du tribunal. Pour me punir, on a déclaré faillite et on m’a privé de mes droits civiques comme c’est l’usage dans ce genre de situation. Une fois de plus je suis resté tout seul !

Drôle de coïncidence avec le destin car la première fois que je suis parti en Arabie, le Président de la République et son premier Ministre demandaient aux artisans de faire preuve de civisme en allant travailler à l’étranger pour ramener des devises à la France. J’y suis allé et comme on ne m’a pas payé, je suis resté seul à me débattre contre les huissiers et la Justice. A cause de ça, on m’a privé de mes droits civiques alors qu’aujourd’hui on voit des hommes politiques détourner des sommes d’argent incroyables. Je suis fier de ne rien devoir à personne !

 

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