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Mon parrain était le frère de ma mère. Il était 
instituteur dans un petit village de campagne. C’était un mec génial. Je dirais 
même que je regrette de ne pas en avoir profité suffisamment. Quand j'ai eu des 
problèmes à l'école il m'envoyait des cours par courrier. Ma marraine était 
la sœur de mon père géniteur. Je l’ai très peu connue, j'en ai aucun souvenir. 
  
            Nous sommes restés huit ans dans ce logement. C’étaient des écuries, 
du temps de Napoléon, qui avaient été transformées en habitations. Plutôt triste 
comme logement, comme l’école où j’allais d’ailleurs… Je n’en garde pas un bon 
souvenir de cette école, mais en revanche je me plaisais bien dans ce quartier.
Pour aller faire les 400 coups avec les gitans, derrière le moulin de pantin, je ne donnais pas ma part aux chiens. 
Mon père m'empêchait d'aller jouer avec les gitans. pour aller les rejoindre je 
devais longer le canal et passer entre le moulin et ce canal. Mon père disait 
que je pouvait être attirer par l'eau et tomber dans le canal. Alors je prenais 
mon élan et je courrais a toute vitesse pour arriver le plus vite possible dans 
le camp de gitans. Il y avait une grande place en face de la mairie qui me 
semblait immense. Quand ma mère a été malade je devais aller faire les courses 
et je devais traverser les rues de cette place: j'avais 6 ans. J'avais peur des 
voitures et je traversais en courant. Je me rappelle aussi des livreurs de vin 
(postillon) avec leur charrette tirée par des chevaux de trait. Il y avait aussi 
le livreur de javel avec ses bombonnes en verre séparées par de la paille ou les 
livreurs de lait avec les bouteilles en verre dans des paniers en fer.   
        En 1954 
quand il y a eu ce grand hiver le canal était gelé. les péniches était bloquées 
dans la glace. Je sais qu'il y en a eu qui ont coulées broyées par la glace. 
Nous au lieu d'aller a l'école on allait jouer sur la glace. Ensuite c'était la 
police qui nous emmenait à l'école. Bonjour la raclée quand le père l'a su.
 
        A cette 
époque le père s'est retrouvé chômeur. Ma mère travaillait comme vendeur chez un 
marchand de couleurs qui faisait quincaillerie aussi. C'était la fin de cette 
boutique car la propriétaire partait en retraite. Mon père s'enfermait dans la 
cave et nous a fabriqué les jouets de noël: une ferme et un garage et plein 
d'autres jouets. La mère a ramené des soldats et des figurines de fin de stock 
d'ou elle travaillait. Je crois que ce fut mon plus beau noël.   
        Le soir 
j'étais bercé par la musique du voisin. le mur de ma chambre me séparait de 
celle du voisin. Tous les soirs il écoutait "Brassens", et j'adorais. Le 
logement était simple: une grande pièce commune séparée en 2 par un rideau. la 
partie du fond servait de chambre à ma mère et son homme. Nous les enfants on 
dormait dans une petite chambre sur le coté: les 3 gosses dans le même lit. 
  
Il y avait une bonne entente entre les voisins, 
tout était prétexte pour faire la fête. Je m'étais créé mon petit univers à moi, 
seul, à l’écart des autres. Mes seuls copains étaient des gitans installés sur 
le bord du canal. A peine sortis de l’école, notre seul terrain de jeux c’était 
la gare. J’étais fasciné par ces locomotives à vapeur : des monstres d’acier, 
dégoulinants de feu, de graisse et d’eau. Avec mes yeux d’enfants j’avais 
l’impression que ces machines étaient d’une puissance terrifiante. Je 
n'oublierais jamais l'odeur de la fumée de ces machines. Parmi ces voisins il y 
avait une très belle femme avec de longs cheveux auburn. Un modèle de beauté 
pour moi. Chaque fois qu'on 
devait me couper les cheveux on me faisait la coupé "au bol". Je pleurais car je 
voulais une coupe avec une mèche sur le front. Un jour alors qu'elle allait chez 
le coiffeur elle m'a emmené avec elle . Elle m'a fait faire cette coupe avec la 
mèche sur le front. Cette coupe je l'ai gardée toute ma vie. Cette femme est 
partie avec son mari et ses jumeaux en Nouvelle Calédonie. Lui était boxeur: 
champion de France. Il travaillait dans un stock américain. Il nous ramenait des 
couvertures ou du savon et des aliments aussi. Je vous rappelle que nous 
sortions de la guerre et que la misère était partout. plus tard j'ai revu les 
enfants car ces gens là ont divorcé. Le père est revenue en métropole mais la 
mère est restée en nouvelle calédonie.  
  
  
                                  
 
  
  
            Le père 
Martin (c’est comme ça qu’on l’a toujours appelé) était un homme très dur. Lui 
non plus n’avait pas eu une vie facile. Pendant la dernière guerre, il avait été 
fait prisonnier. Il ramassait les cadavres sur les champs de batailles du front 
de l’est en Allemagne. Il racontait avait été obligé de les décoller avec une 
pelle, ou être resté pendant des jours dans des tranchées avec l'interdiction de 
faire ses besoins dans la tranchée. il fallait sortir et prendre le risque de se 
faire tuer par les Russes qui étaient en face. Je sais qu’il a fait deux ans de prison à cause de son 
frère à cette époque, et qu’il s’est également retrouvé en Allemagne, toujours à 
cause de son frère. Je me rappelle qu'il avait une carte avec une belle rose 
dessinée à l'encre de chine. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Cette 
carte venait d'un homme qu'il avait connu à Berlin quand il a été hospitalisé 
suite à une grosse blessure. A la maison pas question de parler de la guerre ni 
de voir des films de la guerre. Il avait vécu trop de choses horribles là bas. 
Un jour son frère est venu demander l'hospitalité . Le père Martin lui a tendu 
un journal pour dormir par terre dans le couloir..... j'avais mal pour cet homme 
et je ne comprenais pas le geste de mon père. Ce n'est que beaucoup plus tard 
que j'ai appris ses raisons d'avoir agi de cette façon. Son frère ne venait que 
très rarement et l'ambiance était loin d'être géniale. 
  C’est en prison que le 
père Martin a appris son métier : 
polisseur sur métaux et chromeur. Il avait le secret de faire des chromes 
étincelants avec des reflets d’un bleu nuit et violet, qui faisaient de lui l’un des 
meilleurs dans son métier. C’était sa fierté, mais plus tard il a été forcé 
d’arrêter car il respirait trop d’acide. Il en est mort aussi. Il n'a jamais 
voulu me donner son secret car il refusait que je fasse ce métier. il est mort 
avec son secret. J'ai vu des patrons défiler à la maison pour demander à mon père 
de venir travailler chez eux. Je me rappelle un homme qui fabriquait des 
roulements à billes qui est venu très souvent. C'est mon père qui a fait les 
chromes de la première DS Citroën: sa fierté. 
  
            Un jour, de retour de colonies de vacances et à peine descendu du 
car, ma mère m’a annoncé  que j’avais changé de nom. Je ne m’appelais plus 
ALBERT mais MARTIN. J’avais 9 ans ce jour là et ce fût un véritable choc.  Nous 
nous sommes tous fait appeler Martin car le père Martin avait épousé ma mère et 
nous avait tous reconnus. C’est ainsi qu’il est devenu mon père devant la loi. 
C'est ainsi qu'est née la famille Martin. 
  
            Chaque année nous allions en vacances dans les Vosges, chez ma tante 
Mathilde. Une femme d’une gentillesse et d’une douceur incroyable. Pourtant son 
mari était « le chef », un patriarche. Impossible de le contrarier ni de faire 
le contraire de ce qu’il avait ordonné ou décidé. avec sa 203 Peugeot il mettait 
toute la famille dedans et nous , les mômes, dans le coffre. On allait ramasser 
les mirabelles pour faire la goutte et les belles tartes de Mathilde. Le matin 
au déjeuner je me rappelle les tartines avec du miel de sapin: on en avait plein 
les doigts et le museau. Devant chez ma tante coulait un ruisseau qui passait 
par le lavoir. Nous les mômes on descendait dans l'eau avec nos chaussures pour 
soulever les pierres et attraper des poissons plats avec des moustaches. Les 
mômes du village nous emmenaient aussi attraper des vipères qu'ils revendaient 
au pharmacien pour le venin. Une fois de plus je n'étais pas le dernier pour 
faire des conneries.                                  
 
  Je me rappelle la tristesse de ma tante dans 
ses 
moments de solitude. Elle était toujours en retrait et son mari était le 
patriarche. Je venais vers elle, elle me prenait sur ses genoux et je 
lui faisais de gros bisous sur les joues. J’avais droit à un gâteau  et son 
sourire revenait comme si rien n’était arrivé. Elle avait une fille : Lucette. 
Je passais mon temps à me chamailler avec elle. Comme elle était un peu plus âgé 
que moi, elle en profitait tout le temps. Vis à vis de ses copine du village 
elle était fière de son cousin..........    Mon oncle était l’électricien du village mais 
surtout de l’usine de filature. On le voyait partout sur son vélo avec son 
échelle sur l'épaule. On respectait mon oncle pour son savoir et sa 
position. Il savait plein de choses. Mon rêve c’était de devenir électricien plus tard.     
 
  
		
		
		
		
		
	

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